Articles de Philippe Curval

l'Expérience du vivant

préface de 2002 aux chefs-d'œuvre de la SF française (1980-1990)

choisis par Richard Comballot

article de Philippe Curval

« Pas si facile, pour un écrivain de Science-Fiction, d'imaginer le futur à partir des événements de la vie courante. Je parle évidemment du vrai futur. La réalité à tendance à cacher l'avenir ; posée devant l'horizon temporel tel un gros tas, elle ressemble à un flan aux poires, pâteux et incomestible, qui neutralise la digestion. Demandez donc à un homard, bien dissimulé dans son rocher au fond de la mer, d'imaginer comment il sera mangé. À lui qui n'a jamais vu ni tomates, ni cognac, ni estragon, il lui faudrait une solide dose d'invention pour avoir l'idée de les mélanger à ses entrailles afin de créer la recette de la sauce américaine. »

Ainsi commençais-je, au mois d'octobre 1983, ma chronique hebdomadaire, Bons baisers du futur sur Radio Gilda. Cette émission allait durer deux ans. Preuve que la Science-Fiction et ses écrivains, au début des années 80, avaient droit de cité partout. À la radio, dans les chroniques littéraires d'Antoine Griset à Libération — qui publiait aussi chaque semaine des nouvelles de SF, temps bénis ! —, de Michel Nuridsany au Figaro, de Jean-Michel Royer dans Lire, dans celles que j'écrivais pour le Monde, et même à la télévision. Ne nous voyait-on pas sur Temps X, dans de nombreuses émissions littéraires ou scientifiques, comme celle de Robert Clarke, bien que nous nous soyons ridiculisés quelques années auparavant sur Apostrophe, en nous injuriant comme de vulgaires littérateurs.

Mais je m'égare. En citant ces quelques lignes de mon émission, le propos visait à établir des équivalences sur l'aveuglement. Car s'il est difficile d'imaginer l'avenir pour un homard ou pour un auteur de SF, je crois qu'il est encore plus scabreux d'évoquer le passé pour celui qui l'a vécu, sans opérer une mise en perspective depuis son présent, avec pour effet de le réinventer en partie. À cause de la fatigue occasionnée par le nombre de kilomètres littéraires parcourus, la mémoire s'est racornie, déformée telle une vieille chambre à air, des rustines mal collées dissimulent les désillusions et les reniements, les hernies révèlent les flatulences du subjectif. C'est pourquoi je vous propose une préface vulcanisée, qui roulera encore, mais s'appuiera sur ses défauts. Rien ne vaut l'expérience du vivant.

À qui se fier, en effet, quand on sait que le système neuronal est si conciliant envers l'appréciation des événements. Quand elles ne s'appuient que sur l'instant de la lecture, la plupart des critiques sont soumises à des réactions viscérales. Leur analyse a posteriori les réduit souvent à rien. Les souvenirs sont fugaces, les témoignages truqués ou incertains, les comptes rendus pleins de chausse-trappes, les bruits de couloir insignifiants mais pervers.

Exemple anodin, mais significatif, à propos du Festival de Metz (la seule manifestation autour de la SF en France qui eut de l'ampleur et du punch, conquit une renommée internationale), Jean-Pierre Andrevon insinuait — par hostilité de principe envers le succès, je suppose — que son organisateur roulait en Ferrari. La réponse de Philippe R. Hupp ne se fit pas attendre : « Je ne confierai jamais la révolution à un type capable de confondre une Alfa Romeo avec une Ferrari. ».

Personnellement, quand je descends le dimanche dans ma voiture électrique au marché bio du boulevard Raspail, je ne pense pas écrire de la Science-Fiction.

Ce genre est si volatil, si changeant, si dispersé, si riche qu'il me semble difficile, voire impossible de l'envisager dans sa totalité. Encore moins d'exiger qu'il se fige dans une attitude. Alors, comment résumer son parcours lorsqu'il s'agit d'une décennie ? Car ce libre propos suggéré par Richard Comballot vise à déterminer mon sentiment personnel sur ce qui s'est exactement passé dans la Science-Fiction française durant les années quatre-vingt.

À la rigueur, sur le long terme de son histoire, il est possible de distinguer des périodes : naissance d'une Science-Fiction adulte entre le xixe et le commencement du xxe siècle, puis régression à l'ère primitive causée par Hugo Gernsback et ses émules qui durera jusqu'aux années quarante, ensuite apparition de la SF classique, puis moderne jusqu'au milieu des années soixante-dix. Depuis le dernier lustre du xixe siècle jusqu'à l'aube de ce troisième millénaire, nous sommes en plein “revival”.

Alors, les eighties ? Littéraires et avant-gardistes ! Ce serait trop simpliste. Comme dans les années 1950 où elle vit le jour, la SF française, loin de s'institutionnaliser trente ans plus tard, vécut une exaltante, stimulante, période de renaissance. À cause de la profonde imprégnation de la société par la Science-Fiction durant ces années dans tous les domaines, musique cosmique, cinéma qui exploite le space opera des années vingt, publicité plagiaire, BD avariée, technologie envahissante, il s'est produit une réaction salutaire exprimée par une pléiade d'écrivains anglo-saxons (surtout anglais) et français. Devant la vulgarisation du genre, j'oserai dire sa dissolution dans l'évier médiatique, une sérieuse distanciation devenait nécessaire pour restituer à l'écriture son pouvoir créatif. D'où les prises de position provocatrices, les démonstrations terroristes, les recherches formelles, sous-tendues par le désir de restituer la pulsion initiale, révolutionnaire et spéculative, de la Science-Fiction à son vrai public. C'est-à-dire peu de monde. Ce qui compte, ce n'est pas tant le succès éphémère qu'obtient un auteur mais l'impact littéraire et intellectuel de son œuvre.

Une autre question se pose : pourquoi diviser le siècle par tranches de dix ans alors que les tendances se chevauchent, que certains écrivains ratiocinent, d'autres évoluent, quelques-uns innovent puissamment, des inconnus apparaissent ? Si la grossesse dure neuf mois, les générations n'interfèrent pas tous les vingt ans ; elles se chevauchent, s'ignorent ou se fécondent les unes les autres.

Cela établi, vous n'aurez plus aucune raison d'ajouter foi à mon point de vue sur la SF des années quatre-vingt. Sauf si vous admettez le principe de la démonstration subjective élevée en dogme, de la polarisation stratégique des faits considérée comme un des beaux-arts, de l'emploi du paradoxe comme système de réflexion philosophique. Tant d'autres y sont sujets que je n'ai aucune honte à m'y livrer ! Avec le temps, de vieilles folies deviennent sagesses, et d'insidieux mensonges produisent de grandes vérités. De mon point de vue, tout est préférable à la nostalgie.

Dans ces conditions, comment m'y prendre ?

Peut-être faudrait-il d'abord étudier prudemment les prolégomènes constitutifs de la décennie. Ceux de 1978 auraient ma préférence ; année-clef dont les productions et les manifestes déterminèrent les orientations, les succès et les échecs de la période suivante. Par exemple Pourquoi j'ai tué Jules Verne de Bernard Blanc, dont la relecture aujourd'hui fascine par sa désuétude, bien que certains “postmodernes” se réfugient dans la même attitude paranoïaque.

Selon l'auteur, la Science-Fiction française aurait pris une orientation nettement politique depuis l'apparition de Jean-Pierre Andrevon et Daniel Walther dans les colonnes de la revue Fiction. Le mot d'ordre est de se débarrasser de la pacotille scientifique, de parler d'ici et de maintenant en termes d'ailleurs et de demain. Bernard Blanc oppose « la Science-Fiction-usine-à-rêves, avec ses fantasmes réactionnaires et ses putasseries d'amuseuse publique » telle qu'il la définit globalement dans son histoire, à « une SF qui casse les mythes et incendie les fusées, qui parle aujourd'hui des flics et de l'armée, et explique qu'ils sont du mauvais côté des exploiteurs et des tyrans. Une SF qui explore minutieusement l'horizon 80 : gros plan sur les cendres nucléaires, les camps militaires et les prisons secrètes ». L'alternative n'est pas si simple. Jean-Pierre Hubert, qui fait partie des auteurs de tous bords que Bernard Blanc tente de rassembler autour de lui, répond : « L'imagination est déjà, par elle-même, un acte politique ; c'est l'approfondissement d'une situation donnée, c'est un voyage plus effrayant que rassurant. ». L'imagination n'est donc pas démobilisante ; elle bat au contraire par knock-out une SF militante, axée exclusivement « sur le réel et travaillant à court terme ». Interrogé à plusieurs reprises dans ce même livre, Jean-Pierre Andrevon assure, pour sa part, que l'impact de la Science-Fiction sur la société « est nul ou quasi nul ». Pourquoi revendiquer la place de la SF « au côté des mouvements écologiste, féministe, antimilitariste, pacifiste, anti-hiérarchie, anti-autoritaire, solidaire. Du côté du retour à la terre »,(1) puisqu'elle ne sert à rien ? Surtout si l'on considère avec quel talent la misanthropie définitive d'Andrevon s'exerce à l'égard de l'espèce humaine, qu'il abhorre au point de rendre lyrique la nécessité de sa disparition dans ses meilleures œuvres.

Les écrivains qui composent les collectifs engendrés par Bernard Blanc appartiennent à des tranches d'âge disparates, qu'ils soient de la première vague comme Michel Jeury, de la seconde, comme Jean-Pierre Andrevon, de la suivante comme Pierre Pelot, Dominique Douay, ou fassent partie de la jeune houle comme Maxime Benoît-Jeannin, René Durand. Ils ne se regroupent pas non plus suivant un même idéal politique : certains appartiennent au parti élu en 1981, d'autres sont anarchistes ou représentent diverses nuances du gauchisme, quelques-uns sont écologistes bon teint. Un seul est devenu “punk”. Cette tolérance est extrêmement stimulante, mais où est l'unité idéologique ? Et encore, si tous ces auteurs adhéraient à une Science-Fiction axée sur la contestation, en prise directe sur la réalité ! Là aussi, les tendances sont diverses : si un petit nombre joue la carte du tract politique, beaucoup restent attachés, soit par leur exploration formelle soit par leur travail conjectural, à une Science-Fiction littéraire. Leur seul point commun, c'est une vision catastrophique de l'avenir. Le paradoxe voulant que l'anthologie intitulée Planète socialiste, qui décrit en direct l'après-révolution, soit la plus pessimiste de toutes.

S'agit-il, comme l'écrit Gérard Klein, d'un groupe social d'origine petite bourgeoise qui, menacé, ne peut raconter que sa mort ?

Cette vision séduisante d'une classe sacrifiée transposant son holocauste en une poignée de nouvelles et de romans me semble un peu facile. Si la Science-Fiction provoque le malaise, il provient d'abord des mutations de la société elle-même, correspond à une réaction générale des consciences face à la peur de l'avenir et au développement trop rapide de la technologie qui agit sur toutes les couches de la société, ainsi que l'ont démontré si magistralement les frères Bogdanoff dans leur enquête-essai l'Effet Science-Fiction. L'assassinat symbolique de Jules Verne relève plus du coup médiatique avorté que du meurtre symbolique du père. En tant qu'attentat littéraire et philosophique, ce fut un coup d'épée dans l'eau.

Il est donc tout à fait injuste de prétendre — lieu commun véhiculé par des manipulateurs ignares et sans vergogne — qu'au début de la décennie 80, la Science-Fiction dite “politique française”, qui pétaradait encore faiblement, ruina l'audience du genre. Seul un nombre restreint d'inconditionnels s'intéressait à ces productions de très faibles tirages. Leur éditeur, Rolf Kesselring, disparut faute d'acheteurs. Le petit cénacle du ghetto s'émut. Mais ceci n'eut aucun effet dépressif sur le lectorat de la SF qui ne cessait de s'accroître.

Pour preuve, à l'encontre, les amateurs se ruaient sur les romans de Wul, Ruellan, Pelot, Demuth, Jeury, Klein, Curval, Douay, Andrevon, Walther, etc. À cette époque, les rééditions, puis les inédits, d'auteurs français en poche atteignaient facilement quinze mille exemplaires. Chez J'ai lu, ils faisaient jeu égal avec la plupart des Anglo-Saxons, entre trente et cinquante mille exemplaires. Jacques Sadoul avait inventé au début des années 1970 la Science-Fiction désciencefictionnisée dans une collection sans dénomination, qui créa la vaste aspiration d'un nouveau public vers le genre. Je me souviens fort bien de son air réjoui, me commentant avec son humour particulier les listings d'ordinateur dont il raffolait, à propos du Simulacres de Philip K. Dick et du Ressac de l'espace qu'il venait de republier deux mois auparavant : « Tu vois, tu bats Dick de trois mille ! Ce n'est que justice ; les meilleurs perdent toujours. ». Sur le moment, je tiquai. Dick n'était pourtant pas la tasse de thé de l'auteur de la seule Histoire de la Science-Fiction moderne parue en France. À moins que sur le long terme, sa théorie ne se vérifie… mais je galèje. De toute façon, collectionneurs, passionnés, curieux appréciaient ses publications, les éditions se succédaient. À cette époque, les romans de SF ne mouraient pas au bout de trois mois, ils étaient disponibles en librairie durant des années.

Cela n'empêcha pas qu'une ségrégation s'établisse. D'autres éditeurs diffusaient moins d'ouvrages du cru que d'importation USA, parce qu'ils achetaient celle-ci moins cher, négligeant le prix de la traduction ou la payant à portion congrue. En baissant d'emblée les tirages et les distributions d'office des romans autochtones (par exemple 18 000 pour un auteur français et 30 000 pour un Anglo-Saxon), ils réduisaient ainsi la mise en place et le nombre des points de vente, éliminaient des acheteurs potentiels, puis se hâtaient d'en déduire que les écrivains français se vendaient mal. Ce résultat n'était pas la faute des directeurs littéraires qui se battaient pour leurs auteurs, mais de ceux qui suivaient servilement les diktats de leurs directeurs commerciaux. Le pire d'entre ces derniers fut sans doute celui qui passa de Presses Pocket au Livre de poche en appliquant la même politique que celui qui passa du Livre de poche à Presses Pocket. Par leur action méthodique sur le marché, ils contribuèrent à obtenir une vraie dévalorisation de la SF française.

La même année, dans Futurs, que nous venions de créer avec Jean-Claude Mezières, Igor et Grichka Bogdanoff, Gérard Klein, ce dernier entama une campagne de dénigrement de la Science-Fiction nationale dans une rubrique nommée le Trou du Hurleur. Antienne qu'il poursuivit, poursuit, alternée de conseils paternalistes, jusqu'à nos jours. Après avoir brillamment contribué dans sa collection "Ailleurs et demain" à accoucher notre SF de ses meilleurs auteurs, puis à s'arrêter brutalement d'en publier à partir de 1985, on peut s'interroger sur les raisons de cette aigreur. Mais je ne me livrerai pas à une psychanalyse sauvage. Lisez plutôt ce qu'il pense :

« De bonnes idées, des idées originales, on en trouve en effet singulièrement peu dans la Science-Fiction française et ce pourrait être la cause de ses difficultés, et à terme, celle de sa ruine. Il y a, en France, beaucoup d'auteurs qui écrivent bien, avec virtuosité même, qui excellent dans l'art de tirer un petit effet d'une idée microscopique ou amortie. Il n'en est guère qui se montrent capables d'ouvrir une de ces perspectives vertigineuses qui ont fait, font toujours, l'extraordinaire pouvoir de séduction de la Science-Fiction anglo-saxonne. »

Et d'énumérer les défauts de la nôtre :

« En tête, la transposition d'états d'âmes, présumés poétiques, qu'on pourrait aussi bien appeler le n'importe-quoi ou le ni-queue-ni-tête, qui fleurette souvent avec le Fantastique et que l'auteur croit pouvoir abriter impunément sous la licence propre à la Science-Fiction… » (Licence : droit, liberté (de faire ou de dire qqch.) en vertu d'une permission donnée par une autorité supérieure — le Robert)

« Deuxième variété, l'apocalyptique, avec une forte dominante écologique comme on dit… » (Des centaines de romans anglo-saxons exploitent cette veine.)

« Troisième espèce, l'expérimentale, où d'arbitraires suspensions de la ponctuation le disputent à d'incessants retours à la ligne (vieux truc de feuilletoniste !) et à un vocabulaire emprunté et ampoulé dont les plus décadents des symbolistes n'auraient pas voulu… » (à quoi se résume la recherche formelle ? À Daniel Drode ?)

Par ce réquisitoire, Gérard Klein ouvrit la porte à tous les excès. Par exemple à l'ovni ridicule inventé par Métal Hurlant, l'innommable Pupin qui n'hésitait pas à déclarer dans le nº 64 de ce magazine, jaugeant d'un coup d'œil la production française de SF des mois précédents : « “F” pour foutu, foireux, français, foutoir, con, nul chiant, etc. ! Aux armes… ».

Que ce soit dans les domaines artistiques ou littéraires, le cinéma, la chanson, etc., une fraction majoritaire de nos compatriotes critiques cède depuis une trentaine d'années au plus franchouillard de tous les snobismes, celui qui consiste à attaquer, vilipender, honnir la production nationale. Ils font leur beurre de cet acharnement, dans un acte de parodie suicidaire résultant soit de leur suffisance, soit de leur propre insuffisance, qui conduira à leur élimination. Car, si tout ce qui se fait ici dans le domaine culturel est objet de dérision, je ne vois pas pourquoi les aristarques français ne seraient pas soumis au même critère et bientôt remplacés par de “vrais professionnels” extérieurs à la France.

Grâce au formidable travail de lecture systématique opéré par Ellen Herzfeld et Dominique Martel sur l'ensemble de la production française, revues, anthologies, fanzines, Gérard Klein a voulu compenser ses pulsions dénigrantes en publiant trois recueils de nouvelles qui concernent tout ou partiellement la décennie qui nous intéresse. Les textes qu'on y lit témoignent de la qualité, de l'originalité et de la richesse de la SF nationale. Pourtant, sa présentation évoque l'acte d'un Noë préservant dans son arche quelques rares spécimens plutôt qu'un véritable désir de soutien logistique. Ceci ne diminue en aucun cas l'estime, l'affection que je lui porte d'avoir si longtemps, si vaillamment combattu ensemble pour imposer en France une Science-Fiction digne de ce nom. “My last dinner with Gérard” n'est pas pour aujourd'hui. Mais en 1985, l'utopie d'une SF française rayonnante avait vécu pour lui.

Comment être aussi morose alors que ces années furent celles de la découverte ou de l'épanouissement d'un grand nombre de jeunes écrivains français de qualité, Hubert et Douay, déjà cités, Yves Frémion qui, non content de diriger la revue Univers, remarquable laboratoire de la Science-Fiction vivante — Joëlle Wintrebert lui succéda pour les anthologies —, publiait des nouvelles fort originales, Emmanuel Jouanne qui se faisait remarquer par son ton singulier, Francis Berthelot qui se révélait dans la collection littéraire par excellence de Robert Louit, "Dimensions", Joël Houssin qui s'affirmait, plus tard Jean-Claude Dunyach, Roland C. Wagner qui participaient à la tentative de renouveau du Fleuve noir ?

Etc., car l'année 1978 fut aussi celle de mon anthologie, Futurs au présent, proposée par Élisabeth Gille, qui contribua à l'avènement d'une nouvelle génération d'auteurs. Le coup fut fameux. En quelques mois, le tirage de douze mille exemplaires s'épuisa. Démenti pertinent envers les propos du directeur littéraire d'"Ailleurs et demain", qui basait sa déploration sur les “seulement” 1 500 exemplaires vendus de l'anthologie phare de Daniel Walther, datant de 1975, les Soleils noirs d'Arcadie. (Il arrive souvent aujourd'hui que ces 1 500 exemplaires constituent presque un motif de satisfaction pour des éditeurs de SF…)

Pour exposer l'aspect enthousiaste et novateur de mon entreprise voici un extrait de la présentation :

« Ce volume est l'affirmation excessive de la subjectivité, ce sont dix-sept grenades offensives lancées dans la mare de la culture. Certaines risquent de détoner à brève échéance, d'autres sont munies de systèmes de retardement qui rendent leurs répercussions plus insidieuses, quelques-unes ne s'avéreront que des pétards mouillés, mais mouillés de la sueur des cauchemars, d'autres risquent de faire exploser leurs auteurs, ou de partir simplement en fumée, la mitraille de l'inconscient a ses défauts, elle ne tire pas en rafales, elle bombarde tous azimuts : la télévision, l'amour, la religion, l'archéologie, l'exploration spatiale, la compétition sportive, la robotisation, les multinationales, les ordinateurs, les drogues, les promoteurs de loisirs, les terrestres et les extra, l'Homme, les greffes, la société, les sociétés, les moyens de transport, la perception extra-sensorielle, la science, les fausses sciences et quelques fanéditeurs… Il s'agit d'une littérature libertaire, peu rompue aux jeux politiques et philosophiques ordinaires, une littérature vierge qui s'invente à mesure qu'elle s'écrit. C'est pourquoi tous les textes qui composent Futurs au présent sont de la Science-Fiction, même si certains paraissent échapper au dogme. Ce sont des œuvres de rupture où les catégories s'étiolent ; ce sont des nouvelles subversives destinées à saper la morale. C'est par l'introduction de la notion de différence qu'elles opèrent. »

Il s'agissait pour moi de promouvoir une Science-Fiction directement issue de la tradition française, qui restituât aux sciences dites exactes (ce laboratoire des vérités éphémères susceptibles d'être contredites, corrigées, complétées), leur rôle de support à l'imagination, sans constituer un principe absolu pour que “la SF soit de la SF”, comme le voudraient certains sectaires obtus. Et de privilégier la sociologie et l'ethnologie, l'analyse psychologique, la recherche stylistique, une forte dose d'imaginaire, le goût de la spéculation comme l'avaient fait Maurice Renard, Jacques Spitz ou René Barjavel à l'époque des “romans extraordinaires”.

Futurs au présent permit de révéler parmi d'autres Serge Brussolo, Jean-Marc Ligny, Bruno Lecigne, Jean-Pierre Vernay, Daniel Martinange, etc. Cette réussite facilita l'épanouissement de ces auteurs sous l'impulsion d'Élisabeth Gille qui venait de reprendre la direction de "Présence du futur". Grâce à elle, à sa très grande culture littéraire, son goût sans faille, son sens du défi, se constitua la Science-Fiction française des années quatre-vingt, dont le style et les préoccupations s'écartaient résolument de la précédente.

On peut à son propos parler sans hésiter d'âge d'or de la SF en France, tant sa production est féconde, sa palette d'auteurs diverse : Serge Brussolo dont le génie particulier s'impose d'emblée. Ses tourments littéraires traduisent les secrètes fermentations, les tumeurs malignes de l'imaginaire révélées par l'éventration des rêves. Antoine Volodine se fait remarquer par son originalité profonde, en s'acharnant à traduire la solitude de l'écrivain vulnérable, tâtonnant du verbe pour reconstituer une réalité fuyante. Chez lui, la Science-Fiction s'instille dans les artères, s'infiltre dans le système nerveux, devient sujet plus qu'objet. Jacques Barbéri, au ton plus noir et plus secret, publie quelques chefs-d'œuvre encore trop méconnus. Ses romans ne s'embarrassent pas de ces lourdeurs descriptives qui réduisent la SF au labeur du tâcheron. À partir de synopsis fort arides, il embarque le lecteur par la vivacité de ses images, l'intensité de ses flashes mémoriels, captés dans leur frénésie sensuelle, éclaboussements de peinture rageurs où se caille le sang d'une passion. Jean-Pierre Hubert avec Cocktail, et Francis Berthelot avec Rivage des intouchables, offrent leurs meilleurs romans. Joël Houssin, Élisabeth Vonarburg, Jacques Mondoloni, Philippe Cousin, Emmanuel Jouanne, dans des tonalités fort différentes, approfondissent leur vision personnelle du genre. Pierre Stolze apparaît, puis Colette Fayard, Wildy Petoud. Tandis qu'Andrevon, Jeury, Walther, Douay, Curval, Pelot, Sussan, Ruellan poursuivent leur œuvre avec créativité et succès.

Certes, il ne serait pas juste d'affirmer que l'audience de tous ces écrivains atteignait celles de Van Vogt, Bradbury [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] et Asimov. Mais si l'on se penche attentivement — comme j'ai pu le faire — sur les comptes d'auteur de "Présence du futur" dans la première moitié des années quatre-vingt, il est possible d'affirmer que, dans cette collection, les meilleurs des écrivains français obtenaient une attention égale sinon supérieure à celle que le lectorat portait aux jeunes stars anglo-saxonnes.

En 1984, toujours sous l'influence chaleureuse d'Élisabeth Gille, que nous assistions Robert Louit et moi, la revue Science-Fiction couronna nos efforts sous la rédaction en chef astucieuse de Daniel Riche. Un souhaitable melting pot réunissait des intellectuels comme Jean Baudrillard ou Julia Kristeva, Umberto Eco, Pierre Bourdieu, Félix Guattari, des écrivains étrangers comme Matheson, Sheckley [ 1 ] [ 2 ], Spinrad, Ballard, Brunner, Watson, Scott Baker, Herbert Franke, etc., français, toutes générations et tendances confondues, de G.-J. Arnaud à Lorris Murail. Pour la seconde fois dans son histoire, la SF disposait d'un superbe instrument d'analyse et de théorisation, de critique et de création. Comme Alain Dorémieux l'avait tenté avec nous et avec succès dans les premières années de Fiction, nous souhaitions établir des ponts entre les genres, ouvrir des voies vers de nouveaux concepts, favoriser aussi bien la culture du passé que l'émergence de jeunes écrivains. En somme, nous visions à l'universel. Science-Fiction ne dura malheureusement que sept numéros pour d'obscurs motifs internes à la maison d'édition, car ses ventes oscillaient autour de 3 000 à 4 000 exemplaires, ce qui est plus qu'honorable pour une revue littéraire.

« Les ventes, les tirages, vous n'avez que ces mots sous le clavier… » me direz-vous. Oui, c'est vrai ! Mais comment ne pas parler du nerf de la guerre. Je sais que la bonne ou la mauvaise opinion du lecteur lambda est souvent soumise à des phénomènes de mode, qu'il méconnaît des écrivains originaux, voire géniaux. Impossible, néanmoins, de nier que leur destin économique en dépend. Il est bien loin le temps où quelques idéalistes fumeux pensaient que le simple fait d'écrire donnait droit à une rétribution sociale.

La France ne comporte que soixante millions d'habitants, les États-Unis et l'Angleterre plus de trois cents, sans compter d'innombrables anglophones dans le monde entier. Il est naturel que notre production soit inférieure en nombre, que nos auteurs soient plus rares, moins lus. Surtout aux USA, où un ostracisme sans précédent pèse sur toutes productions culturelles étrangères. La plupart des écrivains français des années 1980 furent largement traduits dans de multiples pays ; j'en ai compté douze pour ma part, en Europe, au Japon, en Amérique du sud, dans l'ex-groupe des nations communistes, deux ou trois le furent une fois aux États-Unis, dans l'indifférence, à l'exception de Pierre Barbet. Il faut saluer toutefois les efforts de Peter Nicholls, Christopher Priest et Ian Watson pour nous faire connaître en anglais.

Nous avons ici l'occasion de recevoir tout ce qui paraît dans notre langue, dont quatre-vingts pour cent ne valent pas grand-chose. Par chance, nous ne lisons qu'une infime partie de ce qui se publie dans les pays anglo-saxons, soigneusement filtrée et traduite. La comparaison est forcément à notre désavantage. D'autant plus que nous vivons dans un pays trop frileux et trop cartésien pour espérer un jour que la SF obtienne droit de cité auprès de l'establishment littéraire, sauf à l'occasion d'éphémères phénomènes de sympathie. Comme au début des années quatre-vingt.

Pour vérifier comment se portait la SF dans son ensemble au début de cette décennie, nous possédons un excellent baromètre, l'Année 1980-1981 de la Science-Fiction et du Fantastique, dans lequel Jacques Goimard Imperator dressait un portrait économique du genre : « Laissons parler les chiffres : » préfaçait-il, « +9 % dans le livre, +30 % au cinéma, +60 % en bande dessinée… Il n'est plus nécessaire de défendre la SF, il n'est même plus possible de l'attaquer ; c'est un phénomène de masse. ». Le bilan lui donnait raison : 90 films, 122 albums de BD, cinq millions de volumes vendus pour 113 romans et recueils et deux anthologies du côté anglo-saxon, 139 volumes et une anthologie dans le domaine français. Soit une moyenne de 19 000 exemplaires pour chaque titre, rééditions et nouveautés comprises.(2)

Trois ans plus tard, ce même Goimard confiait son bébé à Daniel Riche avec l'eau du bain. La situation semblait toujours florissante. Dans l'Année 1982-1983 de la Science-Fiction et du Fantastique, Scott Baker publiait un article de fond prémonitoire sur le raz de marée de la Fantasy aux USA. Stan Barets prétendit dans la revue Orbites alors naissante que la SF était moribonde, remplacée par l'heroic fantasy. Un débat houleux s'ensuivit. Courage, fuyons pensa l'illustre directeur littéraire de Presses Pocket qui pistait les phénomènes de masse selon un vif tropisme économique. Alors, sa collection se recycla. Exit le "Livre d'or", vive "le Grand Temple du Passé" ! Vive L. Ron Hubbard, les princesses à poil sur des dragons signés Siudmak ! Le Grand Prix de la Science-Fiction Française se transforma en Grand Prix de l'Imaginaire. Du sur-mesure nous passions au prêt-à-porter. La SF disparut de son catalogue quelques années plus tard.

« Haro sur les écrivains français » disaient certains responsables éditoriaux. « La SF est morte, vive la Fantasy ! » disaient les autres. Passe là-dessus la pire crise économique que nous ayons eue depuis 1929. Le chômage qui grimpe à plus de trois millions de personnes. Le résultat ne se fit pas attendre. Car, si le malheur pousse dans certaines circonstances l'individu à se réfugier dans le merveilleux, une littérature anxiogène, exigeante, qui spécule sur les incertitudes de l'avenir ne séduit pas ceux qui sont dans la misère ou craignent d'y verser. Les collections sans structure disparurent, les autres réduisirent leur production annuelle. Que voulez-vous qu'il arrivât ? Ce fut la Science-Fiction française qui creva.

En 1992, première année où parut l'estimable Année du Polar, de la SF, du Fantastique et de l'Espionnage de Jean-Claude Alizet, celui-ci déplorait que la Science-Fiction ne représentât plus que 60 titres. La production globale avait diminué de 75 % en 12 ans. Cela voulait-il dire que devant la montée du chômage, les écrivains de SF, paralysés, se révélaient incapables de spéculer sur l'avenir ? Que non pas ! Alors que l'accès à l'impression leur était refusé, souterrainement, ils proliféraient.

En surface donc, grâce à l'appui des journaux mal pensés, des TV évidées, des radios libérées, de l'ânerie officialisée, des colloques ensomnolés, tout se passait comme si, effectivement, la Science-Fiction nationale n'existait plus. Liquidée.

Or, en 1986, lorsqu'Élisabeth Gille me demanda de renouveler l'essai de Futurs au présent, pour répondre à l'effondrement général des supports d'édition professionnels ou amateurs, plus de six cents nouvelles déferlèrent en quelques mois sur mon bureau. Plus de trois fois et demie la masse de textes que j'avais reçue huit ans auparavant. C'est dire qu'il y avait du monde à l'enterrement.

En lançant le projet, j'avais tenté d'orienter ces écrivains néophytes vers une SF en phase avec notre monde contemporain, sans négliger la spéculation scientifique, le style et le sens de la narration pour explorer nos Superfuturs.

Voici comment je les présentais :

« Leur travail s'apparente plus à l'art du visionnaire que du confectionneur. C'est pourquoi ils usent de technologies appropriées. Par exemple, le traitement optique, voire photographique de la trame littéraire. Certains choisissent le grand-angle : ils obtiennent alors une netteté parfaite sur tous les plans de l'histoire, mais l'image est déformée sur les bords au point d'en devenir méconnaissable ; s'ils passent au fisheye, leur univers s'arrondit alors, leur vision devient concentrique, précise, mais distante. D'autres, au contraire, n'hésitent pas à travailler avec une focale normale : fouillant le quotidien à coups d'inspiration prémonitoire, ils en ramènent des instantanés d'une cruelle précision, mais la profondeur de champ n'est plus évidente, les premiers plans et l'horizon s'estompent. D'aucuns, enfin, usent du téléobjectif, saisissent d'infimes détails dans l'évolution de nos sociétés, au détriment des perspectives qui s'aplatissent. »

Le succès fut relatif puisque l'anthologie se vendit la moitié de la précédente. Ma tentative de lancer une nouvelle génération d'auteurs échoua provisoirement faute de débouchés, sauf pour quelques-uns comme Colette Fayard, Wildy Petoud, Guy Grudzien, etc. Celle de renouer avec la tradition fut un échec, ou l'échec une réussite, c'est selon.

L'effet “Limite” était dans l'air du temps.

Ce groupe disparate et hétéroclite, constitué de Jacques Barbéri, Francis Berthelot, Lionel Évrard, Emmanuel Jouanne, Frédéric Serva, Jean Pierre Vernay, Antoine Volodine, avait trop sniffé de SF pour ne pas désirer de drogues plus dures, attaquer le ghetto de cette littérature au lance-roquettes afin de préparer l'invasion du dehors. Leur attitude hautaine, terroriste, basée sur le refus de l'anecdote — l'absence de chute y atteint au sublime —, hantée par l'exigence de l'écriture, aboutit parfois à des textes quasi autistiques, poèmes abscons, prose hallucinée, pure métaphysique du néant. Mais certains atteignent au chef-d'œuvre. Sous la volontaire rupture d'identité que semble créer cet ensemble protéiforme et métamorphique, où chacun chercherait à imiter un modèle qui n'existe pas, une différence essentielle apparaît bien vite. Auparavant, les écrivains faisaient de la SF pour la SF. Avec Limite, c'est le contraire qui se produit : cultivés, très cultivés, frottés au conceptuel, gavés d'imaginaire, contaminés par le futur, ses créateurs font de la littérature comme s'ils écrivaient de la SF. Ils cherchent à briser le carcan d'un genre enfermé dans ses tares et ses tics, victime d'un folklore kitsch, encadré par des gourous fondamentalistes. Selon eux, le moment est venu pour la Science-Fiction de changer d'ère, de rompre résolument avec le strict domaine de l'évasion (donc de gare) que lui confère sa réputation, afin de conquérir la place qui lui est due dans l'histoire littéraire du xxe siècle, c'est-à-dire la première. Aussi n'hésitent-ils pas à aborder la conjecture par le travers, l'avenir sous de nouveaux angles, briser les ponts entre les genres, penser l'écriture, spéculer sur tous les fronts.

Je fus immédiatement séduit par cette tentative. Il rejoignait mon vœu le plus cher des années cinquante, lorsque la Science-Fiction se constituait en France : faire de celle-ci un mouvement littéraire au lieu d'une n-ième succursale du roman de genre exploité selon des fins exclusivement commerciales. Pour prendre mes distances, j'ai montré à travers plusieurs romans comment contaminer à son profit la littérature ordinaire par la fiction spéculative, collaboré régulièrement à des revues généralistes, comme Traverses, ce qui m'a amené à prendre part à l'expérience enrichissante des Immatériaux organisée par Jean Baudrillard au Centre Pompidou. Avec André Ruellan, auteur du superbe Manuel du savoir-mourir et scénariste adulé de Jean-Pierre Mocky, nous fûmes cooptés pour le second manifeste qui ne parut jamais, malgré la complicité de Jacques Chambon. Celui-ci venait de reprendre "Présence du Futur" — et me repassait le flambeau critique au Magazine littéraire —, inventait les collections "Présence du fantastique" et "Présences" avec de secrètes ambitions.

D'ici à ce que sonnât le fatal 1990, la conjoncture économique se prêtait mal à l'expérience. Prétendre à ce sujet qu'une SF littéraire, d'avant-garde tua la Science-Fiction serait une méchante contre-vérité. Celle-ci était déjà moribonde dans son ensemble aux États-Unis comme en France pour certaines des raisons que j'ai avancées plus haut.

Aujourd'hui, un petit nombre de jeunes écrivains français de talent procurent l'illusion que le genre trouve un regain d'audience. Malgré l'effort marketing organisé autour du phénomène, les résultats ne sont pas rassurants, tant ils sont noyés dans la bouillie médiatique. Les chiffres de la Bibliographie de la France parlent d'eux-mêmes : en 1978, 360 titres de (vraie) SF paraissaient dans 33 collections, qui représentaient 1 % de l'édition française. En 1997, le nombre des productions littéraires relevant de l'Imaginaire et du Merveilleux, Fantasy, heroic fantasy, dark fantasy, science fantasy (?), Horreur, Fantastique, épouvante, gore, jeux de rôle, fabuleux, féerique — y compris la SF — atteignait 607 titres publiés. Ce qui ne représente plus que 0,6 % de l'édition française.

Tout repose désormais dans la capacité des anciens et des modernes de tailler à la machette dans la “jungle éditoriale” pour préserver le fragile sentier de la Science-Fiction, envahi par les parasites et les épigones.

Habite-t-on réellement quelque part ? Tel était le titre de mon recueil “Limite” personnel, sonnant à coups de gongs dodécaphoniques la fin de l'expérience ludique des années 80, merveilleusement libre de toute contingence, dont l'influence, je l'espère, je le sais, sera fructueuse pour l'avenir de la SF française. Parmi les réponses possibles à cette question, il me semble essentiel de distinguer les écrivains que la Science-Fiction habite de ceux qui habitent la Science-Fiction.

Je serai toujours du côté des premiers.


  1. Jean Pierre Andrevon, préface de 2001 au premier tome de la présente anthologie des chefs-d'œuvre de la SF française (1970-1980).
  2. Par comparaison, entre 1951 et 1964, "le Rayon fantastique", première collection du genre, vendait 1,5 millions de volumes pour 119 titres, ce qui donne dans l'idéal 12 600 exemplaires chacun.