Chroniques de Philippe Curval

Neal Asher : Voyageurs

(Cowl, 2004)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Curval, 2008

par ailleurs :

On assiste depuis quelques années, chez un grand nombre d'auteurs anglo-saxons, à une radicalisation du concept même de la Science-Fiction. Il apparaissait jusqu'alors dans les romans du genre une volonté de transformer profondément la littérature de notre temps en y injectant des données nouvelles relatives à la science, à la technologie, à la sociologie. Ceci afin d'approcher au plus près des transformations de nos sociétés, de montrer comment ces coups de boutoir de la modernité allaient changer nos manières de penser, bouleverser les relations psychologiques entre les individus, façonner nos modes de comportement.

Or, voici que le temps s'est arrêté. La tendance actuelle de la SF est issue du principe que l'avenir s'est configuré à travers les milliers de romans et de nouvelles parus jusqu'à ce jour. Le futur est arrivé. À partir de ce constat, plus n'est besoin de spéculer sur ce qui pourrait advenir à l'Humanité. Le jeu consiste à multiplier les variations sur le corpus classique de la Science-Fiction. Afin de donner l'impression à l'amateur qu'il se déplace dans un monde extraordinaire dont les ressorts lui sont familiers, tout en le surprenant par des effets spéciaux inédits.

Méthode qui n'empêche pas au talent de s'exprimer. Neal Asher est un écrivain inventif dont la vélocité d'action pallie la nécessité de réfléchir. Son Voyageurs nous entraîne à travers le temps et l'espace à la suite d'une jeune prostituée droguée poursuivie par un tueur à gages cloné. L'enjeu est de perturber les données de l'Histoire entre deux civilisations post-humaines pour remporter la guerre.

Michel Butor s'est ingénié, sans la connaître, à démontrer que la Science-Fiction n'était que réduplication. Je parlerai plutôt aujourd'hui d'une littérature génétiquement modifiée.

Philippe Curval → le Magazine littéraire, nº 477, juillet-août 2008