C'est évident, la société Bitchun devient un modèle pour le monde entier. Tout y est possible depuis que l'on peut sauvegarder son moi, le cloner, choisir une période ancienne de sa vie, ou se réincarner dans mille ans si ça vous chante. La différence entre vieux et jeunes devient un concept dépassé. Julius y réalise son rêve d'enfance puisqu'il habite Disney World, dont il est devenu un rouage important. Son compte enregistre un maximum de whuffies, monnaie instable, immatérielle qui dépend de la considération des autres. La vie de chacun est devenue le fruit de son désir de changement. Mais chacun la juge à l'aune de ses propres velléités.

Sur ce thème joyeusement subversif, bourré de détails surprenants, Cory Doctorow a écrit un petit roman rapide qui reflète bien des incertitudes et des promesses de notre époque en voie de cancérisation virtuelle. Son talent s'appuie d'abord sur un sens de l'allusion qui ne s'embarrasse pas de lourdes explications. D'où la rare impression de se déplacer dans un réel en voie de formation qui n'est pas incompatible avec les informations que l'on reçoit aujourd'hui sur les bouleversements futurs de notre planète globalisée. D'un pixel allègre sur son clavier, Doctorow va s'ingénier à démolir peu à peu l'utopie dont il a défini les bases. Miné par divers déboires, la perte d'un amour, le jeu des rivalités, son personnage va prendre conscience des iniquités que recèle son univers ludique où la lutte sauvage entre les individus a remplacé la lutte des classes.