Chroniques de Philippe Curval

Norbert Merjagnan : les Tours de Samarante

roman de Science-Fiction, 2008

chronique par Philippe Curval, 2008

par ailleurs :

On dit que les romans qui arrivent par la poste chez un éditeur ne sont jamais publiés. Les Tours de Samarante prouve le contraire. Et c'est justice. Ne serait-ce que pour son écriture qui évoque — simple métaphore — un Huysmans qui aurait lu Faulkner, par ses méandres subtils et ses accès de brutalité. C'est un roman qui se dévore plutôt qu'il ne se savoure si on veut en saisir la complexité et l'inventivité prolifique. Sur une planète ravagée par la guerre climatique, l'humanie survit dans les Cités, menacée par les Sectes, par la Lèpre qui ronge le matériel industriel. Samarante, qui est ville, femme, mémoire, est l'enjeu d'un conflit entre des forces obscures qui veulent maîtriser l'Avenir. Par son lyrisme et son ambition, voici un texte inspiré qui tranche sur la production courante.

Edward Whittemore : les Murailles de Jéricho

(Jericho mosaic, 1987)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Curval, 2008

par ailleurs :

Comment un écrivain, travaillant une dizaine d'années au Moyen-Orient pour la CIA, n'aurait-il pu témoigner de son expérience ? Sauf qu'Edward Whittemore a choisi d'écrire sur écran large avec son Quatuor de Jérusalem. Entre Histoire fantasmée, Science-Fiction et conte oriental, ses quatre romans puisent aux sources des conflits qui agitent toujours ces territoires troublés, lieux sacrés, pourfendus par l'Occident depuis des millénaires. Si vous voulez savoir comment une collection d'histoires absurdes dictées par un idiot à un aveugle devint la Bible ; pourquoi le contrôle absolu de Jérusalem résulte d'une fabuleuse partie de poker entamée en 1921 ; quel rôle le Monastère, une officine d'espionnage improbable, joua sur le sort de la Seconde Guerre mondiale, n'hésitez pas à vous lancer dans les trois premiers volumes, le Codex du Sinaï, Jérusalem au poker et Ombres sur le Nil. Whittemore y fait preuve d'une maîtrise absolue dans l'art de mêler le faux au vrai, l'absurde au réel dans un récit aux couleurs de sang et de manipulations dont l'enjeu serait la paix entre des peuples frères et ennemis.

Dernier opus, les Murailles de Jéricho nous conduit au cœur des luttes qui suivirent la création d'Israël, de la guerre des Six jours à la formation de l'OLP au Liban. Comme une tapisserie où les fils s'entrelacent sans qu'on voie jamais la figure dernière, c'est une œuvre amère et nostalgique. Toute la grouillante incertitude du Moyen-Orient y reflète la confusion du monde à l'ère de l'Information.

Philippe Curval → le Magazine littéraire, nº 474, avril 2008