Chroniques de Philippe Curval

Guy Costes ; Joseph Altairac : les Terres creuses

bibliographie commentée des mondes souterrains imaginaires, 2006

chronique par Philippe Curval, 2007

par ailleurs :
Mises en abîme

Huit cents pages en petits caractères, deux mille deux cents notices, voici le dernier état des connaissances relatives aux mondes souterrains, cavernes, gouffres, illusions des profondeurs terrestres à travers fictions, essais, œuvres philosophiques où s'expriment des hypothèses conjecturales. C'est dire combien cette quête intérieure répond au désir d'espace exprimé à travers tant de récits de SF ou associés. Comme si les habitants de la surface s'interrogeaient depuis toujours sur la nature véritable de ce monde où finalement ils périssent, enterrés. Enfers angoissants, atlantides, agartthas, grottes mystérieuses, univers prodigieux, démultipliés, inversés où s'enfouissent, siècle après siècle, les images singulières de notre inconscient collectif. Source des mythes originels qui ont produit de fabuleux bestiaires, ou des cosmogonies fantasques impliquant des soleils intérieurs dont la vraisemblance scientifique persista jusqu'au xviiie siècle. Mais aussi terrain d'envol pour l'imagination des mystiques qui spéculèrent sur la notion d'une Terre “vivante”, des illuminés qui théorisèrent sur la Terre concave. Jusqu'à Jules Verne, dont le désormais classique Voyage au centre de la Terre suscite d'innombrables suiveurs.

Et ce n'est qu'un début car, chaque jour, les auteurs reçoivent de nouvelles entrées sur ce thème, d'autant qu'ils n'ont essentiellement recensé que les œuvres françaises ou anglo-saxonnes. Sachant qu'aucune bibliothèque ne remplira la Terre creuse, nul doute qu'à la fin de ce millénaire, l'ouvrage qui succédera à celui de Costes et Altairac pourra faire des milliers de pages.

Deux préfaces et une postface nous invitent à visiter ces textes pour la plupart introuvables au commun des lecteurs sans nous livrer la clé de ces vertigineuses mises en abîme. C'est démontrer que ce monumental ouvrage est, lui-même, une terre creuse qu'il faut explorer pour en découvrir les secrets. La démarche est passionnante. Que l'on décide de commencer par Platon pour remonter jusqu'à nos jours, ou bien qu'on pioche au hasard pour s'enfoncer plus subtilement dans le sujet, on n'en finit pas d'être surpris par la variété des espaces intérieurs que nous offrent ces spéléologues de l'inférence.

Philippe Curval → le Magazine littéraire, nº 461, février 2007, sous le titre de : "Mises en abyme"