Chroniques de Philippe Curval

Catherine Dufour : le Goût de l'immortalité

roman de Science-Fiction, 2005

chronique par Philippe Curval, 2006

par ailleurs :
la Vie au noir

Cette année, la Science-Fiction française se porte bien. Après la découverte de Colin Marchika avec les Gardiens d'‘Aleph-deux’, d'Alain Damasio qui vient de recevoir le Grand Prix de l'Imaginaire pour la Horde du contrevent, voici que Catherine Dufour nous surprend par un roman hors norme qui témoigne d'une belle maturité d'écriture et d'un talent singulier. Son Goût de l'immortalité part du principe qu'une bonne histoire naît d'un bon conflit d'atmosphère. C'est dire qu'au lieu de construire sa fiction selon un système narratif linéaire, elle alterne plusieurs récits qui s'opposent, s'entrecroisent et se complètent. Elle provoque l'imagination du lecteur par la description lacunaire de milieux étranges, d'actions paroxystiques, d'humains au destin brisé. De cette fusion d'images chargées de sens, dans un univers de lendemains qui déchantent, naît un texte trouble aux accents de poème impressionniste.

D'emblée, le ton est donné. L'histoire est racontée par un être blessé. Une jeune fille à l'enfance assassinée par des bains toxiques. Née posthume, elle survit grâce à la potion suspecte d'une certaine iasmitine (les noms des personnages n'ont pas de capitale). Dans une tour gigantesque de Ha Rebin, en Chine, 2113, c'est une zombie qui pense. Tout comme son ami cmatic, wasp antédiluvien, victime d'un biocomplot, ballotté au gré de l'immense houle géopolitique qui agite la planète polluée, aux sociétés décadentes. En surface, car dans le suburb grouillent les parias réfugiés à la suite d'une double pandémie. Sous la terrifiante dictature de path qui prépare la sanglante revanche des opprimés.

Ce n'aurait pu être qu'un roman cataclysmique de plus, si Catherine Dufour n'avait le don de créer des ambiances prégnantes, de suggérer des pistes surprenantes à travers les lacis du désespoir. Dire que son style est imprégné d'humeurs subtiles n'est pas qu'une métaphore. Il ronge l'esprit. Si bien qu'on sort trempé d'angoisse de sa plongée dans la “vie au noir”.

Philippe Curval → le Magazine littéraire, nº 449, janvier 2006

André-François Ruaud et al. : Fiction, nº 2, automne 2005

revue de Science-Fiction et de Fantasy

chronique par Philippe Curval, 2006

par ailleurs :

Voici que les Moutons électriques, jeune, inventive maison d'édition, nous propose le deuxième tome d'un Fiction ressuscité. Une aubaine pour ceux qui regrettaient sa disparition. Une surprise de choix pour ceux qui la découvriront. Sous une couverture et une présentation élégantes, cette anthologie périodique de Fantasy et de Science-Fiction adopte un éventail fort éclectique de nouvelles internationales, d'études pointues sous la rubrique “création artistique”, de dessins d'humour du New Yorker. À classer parmi les achats indispensables.

Philippe Curval → le Magazine littéraire, nº 449, janvier 2006